Parabole du riche et du pauvre Lazare Luc 16-19 à 31

« Il est dans le ciel un Dieu qui m’encourage et qui m’entraîne loin des bords. O toi, qui du plus haut de cette voûte ronde, d’un œil vaste et toujours en feux, sondes les moindres coins des choses de ce monde et perces les plus sombres lieux ; toi qui lis dans les cœurs de la famille humaine jusqu’au dessein le plus caché et qui vois que le mien par le vent de la haine n’est pas atteint et desséché ; Ô grand Dieu ! Sois pour moi ce que sont les étoiles pour le peuple des matelots ; que ton souffle puissant gonfle mes faibles voiles, pousse ma barque sur les flots ; écarte de mon front les ailes du vertige… dans le champ des flots amers, quelles que soient, hélas ! Les choses monstrueuses dont mon œil soit épouvanté, Oh, maintiens-moi toujours dans les routes de l’éternelle vérité » -Auguste Barbier, poète et nouvelliste 19èmesiècle.

F. Godet, commentant ce passage, écrivait que dans aucune autre parabole, Jésus n’a donné un nom aux personnages. En donnant ce nom, Lazare, abrégé dans le Talmud en « Leazar » ce qui signifie : « Dieu est mon aide », Jésus fait de cet homme le représentant des juifs indigents et pieux, ces « aniim » de l’AT qui supportent leur état de misère dans le calme de la confiance en Dieu, leur unique soutien.

Nous lisons que Lazare se trouvait à la porte du riche. L’expression du texte original est empreinte d’une certaine brutalité, car il indique que cet homme avait été comme jeté là, déposé négligemment comme pour se débarrasser de lui.

Lazare et l’homme riche.

Après un bref regard sur les conditions de vie de ces deux personnages, sans apprendre plus de choses les concernant que leur état de richesse et de pauvreté, sans rien apprendre de leurs pratiques religieuses, de leur foi, de leur passé, de leurs origines, nous apprenons qu’ils meurent et nous les retrouvons dans un autre monde où il semble que tout ce qui avait fait leur vie est changé. A la richesse de l’un succède une vie tourmentée et à la misère de l’autre succède un vide d’où toute souffrance a disparue.

Ces deux hommes ne semblent en tout cas pas plus proches qu’ils ne l’étaient sur la terre. L’abîme de l’indifférence du riche envers Lazare est remplacé par un autre abîme encore plus infranchissable que le premier. L’abîme de « l’Hadès », selon le mot grec du texte original, de l’hébreu « Scheol » ou du latin « Inferi » (les lieux inférieurs), cet Hadès englobe deux domaines différents. Dans ces lieux, Lazare est consolé, tandis que le riche est tourmenté

Interprétation de F. Godet sur ce séjour des morts

Être consolé, d’après F. Godet ne signifie pas être sauvé et être tourmenté ne signifie pas être damné. L’état définitif de perdition ou de salut suppose non seulement la venue de Christ sur la terre, mais encore la connaissance donnée au pêcheur de l’œuvre rédemptrice du Christ. Ces conditions n’existaient ni dans la position supposée du riche, ni même dans celle du pauvre, d’où ce rapprochement fait par l’auteur de cette exégèse avec ce texte de Pierre :

« C’est pour cela, en effet, que même aux morts la bonne nouvelle a été annoncée, afin qu’après avoir été jugés humainement, quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l’Esprit » 1 Pierre 4-6.

Le fait d’être riches nous condamne-t-il ? Faut-il être pauvre pour trouver la paix ?

Ne répondons pas trop vite. La réponse n’est pas simple. Elle n’est pas impossible, mais elle n’est pas simple. S’il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu, selon les mots même de Jésus, cela n’est pas impossible. Nous comprenons qu’il s’agit avant tout du bon usage des richesses.

Abraham

Abraham fut conduit à quitter sa famille pour s’aventurer vers un nouveau lieu de vie. Il eut une vie nomade et devint le patriarche d’une communauté composée de pâtres, de serviteurs et de servantes. Il fut un homme riche, et Dieu le fit hériter d’une terre. Il demeura un homme humble. La vue de ses richesses et de cet héritage n’a pas réduit le regard d’Abraham à ses seules richesses présentes. Il ne se fit pas construire un palais mais continua à habiter sous des tentes :

« C’est par la foi qu’Abraham obéit à un appel en partant vers un lieu qu’il allait recevoir en héritage ; il partit sans savoir où il allait. C’est par la foi qu’il vint s’exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger, habitant sous des tentes… Car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur » Hébreux 11-8 à 11.

Nous retrouvons Abraham comme celui qui accueille Lazare, et c’est auprès de lui que Lazare goûte enfin l’apaisement, le repos, la reconnaissance qu’il n’eut pas sur la terre. Jésus fait d’Abraham l’hôte principal de ces lieux.

Ne pouvons-nous pas rapprocher ce qu’Abraham a vécu sur la terre et ce qu’il est devenu dans l’autre monde ? En tout cas, ses richesses ne l’éloignèrent pas de Dieu.

Abraham va évoquer Moïse. Moïse et les prophètes, dont les paroles peuvent permettre d’éviter, s’ils sont écoutés, de venir grossir les rangs de ceux qui souffrent, qui sont tourmentés comme cet homme autrefois riche.

Moïse

« Tiré hors de… » tel est le sens de ce nom. Un nom qui rappelle ses débuts difficiles. Les Juifs, dans un second temps rattachèrent le nom de Moïse à une forme hébraïque qui signifie : « celui qui tire dehors », signification qui rappelle le ministère qu’il exerça lors de l’exode massif du peuple hébreu sortant d’Égypte.

Moïse… ce nom puise ses racines d’un nom commun égyptien : « messu » qui veut dire « fils » que l’on retrouve dans les noms propres tels que « Thoutmès » = fils de Thout ; ou encore « Ramsès » = fils de Râ.

Moïse, c’est celui qui sortit des palais de l’Égypte pour connaître la solitude et le désert. C’est là qu’il prit conscience, qu’il découvrit clairement sa vocation, avec beaucoup de crainte, et d’humilité. Vocation pour conduire un peuple, l’accompagner dans une certaine errance, qui ne fut pas une erreur. Errance, non dans le sens d’un égarement, mais d’un état de nomadisme, ainsi que du fait que l’homme ne sait pas ce que demain sera.

Moïse a reçu les 10 paroles ou commandements, une loi simple à comprendre. Rien de mystérieux, d’ésotérique : S’abstenir de l’idolâtrie, c’est-à-dire ne pas se tromper, ne pas changer la proie pour l’ombre. Être respectueux, à commencer par l’usage du nom de Dieu. Se reposer un jour par semaine et consacrer ce jour en lui donnant un contenu différent, un jour pour le Seigneur (dies dominica = dimanche = jour du Seigneur). Honorer son père et sa mère. Ne pas commettre de meurtre, d’adultère, de vol, ne pas porter de faux témoignage contre son prochain, ne pas convoiter ce qui appartient à notre prochain.

Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent.

Une dernière remarque

L’échange entre le riche tourmenté et Abraham montre que le riche n’a pas oublié ses racines. Il s’adresse à Abraham en l’appelant : Père Abraham !

Les rabbins disaient que tout circoncis était sauvé. Être circoncis, c’était être fils d’Abraham… Son tourment était aussi certainement nourri d’une certaine remise en question de ce qu’il avait cru, de ce qu’il croyait à cet égard. Une remise en question douloureuse d’autant plus qu’il n’y a plus de changement possible.

La réponse d’Abraham : « Mon fils… » est d’autant plus poignante qu’il ne peut rien changer à cet état de séparation. Jésus avait eu un vif échange avec certains qui voulaient le tuer et qui pourtant disait avoir Abraham pour père. Ce à quoi Jésus dit :

« Si vous étiez enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Mais maintenant, vous cherchez à me tuer, moi un homme qui vous ai dit la vérité… Abraham n’a pas fait cela… » Jean 8-31 à 41.

Conclusion

La vie présente est importante comme nous préparant à l’éternité. Que nous soyons comblés matériellement, financièrement ou que nos conditions de vie soient de ce point de vue très limitées. Tout cela n’est pas sans compter, c’est certain. Mais de posséder des richesses ou de ne pas en avoir, d’en avoir plus ou d’en avoir moins n’est pas la considération première de notre vie. Ce qui importe, c’est d’accueillir dans notre vie le Christ.

L’apôtre Pierre a dit : « Il n’y a sous le ciel aucun autre nom (que le nom de Jésus) donné parmi les hommes par lequel nous devions être sauvés » Actes 4-12.

Que nous soyons, comme Abraham qui fut très riche, ou comme Moïse qui renonça aux richesses de l’Égypte, ce qui compte avant tout, c’est de donner place en notre vie, à la parole de Dieu qui nous appelle à le connaître et à l’aimer, ainsi qu’à aimer notre prochain comme nous-mêmes. Abandonnons-nous à lui.

Deux citations pour terminer :

1- Jean Chrysostome :

« Que pourrions-nous craindre, je vous le demande ? L’exil ?  Mais la terre et tout ce qu ’elle renferme est au Seigneur. La Mort ? Jésus-Christ est ma vie, et la mort m’est un gain. La confiscation des biens ? Nous n’avons rien apporté dans ce monde et nous n’en pourrons rien emporter. Les disgrâces du siècle sont à mes yeux aussi méprisables que ses avantages. Je redoute la pauvreté aussi peu que je désire les richesses, je n’appréhende pas la mort et ne souhaite de vivre que pour votre plus grande utilité ».

2- Monsieur le pasteur Wagner (décédé au début du 20èmesiècle).

Prière qu’il écrivit en pensant à sa mort :

« Quand je dormirai du sommeil qu’on nomme la mort, c’est sur ton cœur que je reposerai. Tes bras me tiendront, comme ceux des mères qui tiennent les enfants endormis. Et tu veilleras sur ceux que j ’aime et que j’aurais laissé, sur ceux qui me chercheront et ne me trouveront plus, sur les champs que j’ai labourés. Tu veilleras. Ta bonne main réparera mes fautes. Tu feras neiger des flocons tout blancs sur les empreintes de mes pas égarés ; tu mettras ta paix sur les jours évanouis, passés dans l’angoisse ; tu purifieras ce qui est impur. Et de ce que j’aurai été, moi, pauvre apparence, ignorée de moi-même et réelle en toi seul, tu feras ce que tu voudras. Ta volonté est mon espérance, mon lendemain, mon au-delà, mon repos et ma sécurité. Car elle est vaste comme les cieux et profonde comme les mers ; les soleils n’en sont qu’un pâle reflet, et les plus hautes pensées des hommes n’en sont qu’une lointaine image. En toi, je me confie. A toi je remets tout ».

 Prédication de François Quoniam, pasteur de l’Église Évangélique Libre