Témoignage de Maurice Gasser – Part.3

Le voyage

Au mois d’août 1988, ma femme et moi nous nous sommes fait baptiser. Après cette merveilleuse journée de baptême, je suis parti en voyage organisé en Union Soviétique pour décompresser. Notre première destination est Amsterdam où j’embarque sur un des plus grands bateaux du monde (environ 300 m de long, 70 m de large, 4-5 étages). A l’intérieur, on aurait dit une grande ville: des bars, des banques, plusieurs cinémas, plusieurs restaurants, plusieurs magasins, etc. Le vin, la bière, tout coule à flot, sans restriction.

La traversée a durée deux jours jusqu’à Helsinki en Finlande. Ensuite nous passons la frontière russe, derrière le rideau de fer. Le car a quasiment été démonté pour être contrôlé. J’avais eu à cœur de prendre des Bibles. J’ai passé plus de deux heures d’interrogatoire avant que les douaniers ne finissent par fermer les yeux et à nous laisser passer. J’ai distribué ces Bibles, en Russie, à Moscou même.

Mais dans ce pays le vin était pratiquement imbuvable. On en trouvait du bon en contrebande à des prix élevés. Mais peu importe, j’ai fait une nouvelle découverte: la vodka. A Moscou, ce qui m’a le plus touché, choqué même, c’était Lénine, ce mort qu’on adorait, cette longue file d’hommes et de femmes qui attendaient. J’étais si sidéré de voir ce mort que j’ai failli tomber, j’ai continué de marcher, je n’ai pas vu que la plate-forme était très courte et je n’ai pas vu l’escalier. Je suis parti dans le vide. Heureusement qu’un garde m’a retenu et m’a évité la chute. Quelques jours plus tard, nous sommes arrivés en Pologne.

La Pologne, c’était triste. J’ai bu beaucoup de vodka. Je ne sais pas comment je suis rentré à l’hôtel. Le réveil fut dur, très douloureux. Je me suis dit que jamais, oh jamais plus, je ne boirais une goutte d’alcool. Nous sommes arrivés en Allemagne. J’ai vu et touché le mur. Et j’ai vu l’endroit par où les gens s’enfuyaient. A Munich, la grande ville de la bière, tout a recommencé. Après plus de 7000 km et 21 jours d’absence, je croyais que j’allais rentrer dans ma famille libéré de l’alcool. Hélas, non, au contraire. Il me semblait que j’avais vraiment besoin de l’alcool pour vivre, que sans alcool, c’était impossible. Comment faire pour arrêter? j’avais fait ce voyage pour décompresser, pour arrêter l’alcool, pour redevenir normal. Ce ne furent que grandes beuveries, des beuveries dont on ne sort pas. J’étais prisonnier de l’alcool!

Maurice Gasser

Extrait du livre « Dans la tempête de l’alcool » paru en 2009 aux Editions Oladios.

L’auteur vit actuellement avec son épouse à Chexbres. La suite de son témoignage sera mise en ligne prochainement.