Billet 09.18 – La solitude du comédien

Des milliers de personnes jeunes et âgées en Suisse et partout dans le monde investissent leurs talents en s’exprimant par le théâtre ou le mime.

Avez-vous déjà tenté cette expérience ? Je vous encourage à prendre ce risque. On dit avec raison que le théâtre est l’art vivant le plus difficile à transmettre. Je suis tout à fait d’accord avec cette affirmation. Mais alors pourquoi les troupes de théâtre amateurs de notre région connaissent-elles un tel succès dans nos villes et nos villages ?

La réponse est à chercher premièrement auprès des metteurs en scène, des actrices et des acteurs. J’ai le privilège d’en faire partie depuis très longtemps et je ne m’en lasse pas.

Certaines personnes insinuent que l’acteur s’exprime par orgueil, par désir d’être admiré et applaudi. Non et non, il y a autre chose de plus profond qui le motive. Dialoguez à ce sujet avec un comédien, ses réponses vous surprendront.

J’ai observé que ceux qui se lancent dans l’aventure théâtrale uniquement pour être admirés et recueillir des éloges et des applaudissements ne tiennent pas le coup très longtemps. Il faut en réalité une bonne dose d’humilité et d’humour pour se lancer sur les planches, sans possibilité de recommencer une réplique en effaçant celle qui vient d’être dite maladroitement.

Les applaudissements, c’est le salaire des acteurs amateurs. Mais à l’issue d’une représentation, lorsque nous sommes sur scène face aux spectateurs, nous savons bien interpréter les applaudissements. Si certains applaudissements expriment la satisfaction, d’autres peuvent dire: Je suis content que ce spectacle d’un niveau moyen soit enfin terminé, je rentre chez moi ! Et dans ce dernier cas, ça peut faire mal.

Un comédien, c’est en fait une personne qui affronte seul un public. Il est seul pour dire ses répliques, seul pour exprimer ses émotions, seul à tirer de sa mémoire tout ce qu’il a appris pendant des mois. Il doit aussi s’attendre à être parfois mal jugé pour son interprétation.

Au risque de choquer quelques collègues pasteurs, je me risque à affirmer qu’un prédicateur connaît parfois les mêmes réactions de son public.

Tel paroissien ou paroissienne lui exprime sa satisfaction en lui serrant la main en quittant l’église. Un autre s’en va tête baissée manifestant parfois son désaccord sur ce qu’il vient d’entendre. Une autre lui confie qu’elle a enfin compris un passage de la Bible difficile à replacer dans son contexte.

Que fait le comédien de toutes les réactions de son public ? Il les range précieusement dans sa mémoire. Et parfois il fait immédiatement l’effort de les oublier. Il sait qu’il ne doit pas se laisser trop influencer par les critiques positives ou négatives.

J’ai dû apprendre à gérer tout cela. Et je ne cache pas qu’un visage radieux constitue une belle récompense à l’issue d’une prédication.

Quelqu’un a dit que les pasteurs étaient les derniers généralistes de notre époque. La profession de pasteur est extrêmement passionnante. Elle exige une ouverture d’esprit exceptionnelle. Pour la vivre à long terme, il faut être prêt à recevoir des critiques négatives et positives. Parfois des applaudissements nous récompensent, et d’autres fois il faut accepter d’être incompris et bousculé par des paroles très dures. C’est exactement ce que vivent les comédiens. Et si ceux-ci continuent malgré tout d’être seuls face à leurs spectateurs c’est parce qu’ils sont heureux de vivre leur passion. Idem pour les pasteurs.

L’apôtre Paul dira aux Corinthiens: Je suis libre, je ne suis l’esclave de personne; cependant je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre au Christ !(1 Corinthiens 9.19)

Bonne semaine!

Charles-André Geiser