La vérité

Prédication donnée

 à l’Eglise évangélique libre 

de La Chaux-de-Fonds 

le 27 mai 2018

1ère partie

A. La vérité, réalité fondamentale affirmée, niée et définie de manière contradictoire

La vérité constitue une des réalités les plus fondamentales de l’humanité. 

À Jésus-Christ qui lui disait : « Quiconque est de la vérité écoute ma voix », Pilate opposa cette réponse demeurée célèbre :

« Qu’est-ce que la vérité ? » Ev Jn 18, 37-38.

Cette réplique exprime le scepticisme de son auteur, mais elle pose aussi une question légitime. Les êtres humains ont en effet le droit de s’interroger sur ce qu’est la vérité.

Pablo Neruda, Prix Nobel de littérature en 1971 : « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité ». 

Nietzsche :  «La vie a besoin d’illusions, c’est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités.»

Aristote : « Dire de ce qui est que cela est, et dire de ce qui n’est pas que cela n’est pas, c’est dire la vérité.»

Blaise  Pascal : « La vérité est si obscurcie en ces temps et le mensonge si établi, qu’à moins d’aimer la vérité, on ne saurait la reconnaître ».

B. Par intuition, les humains savent que la vérité existe

Il est évident que la vérité existe. Selon la Bible, la vérité figure parmi les quatre grandes réalités fondamentales dont tous les êtres humains devraient reconnaître l’existence indépendamment d’une révélation surnaturelle. 

Ces quatre réalités fondamentales sont l’existence de Dieu, la pensée de l’éternité, la différence entre le bien et le mal ainsi que l’existence de la vérité.

Au sujet de la possibilité de connaître l’existence de Dieu en contemplant uniquement la nature et le fonctionnement de l’univers

1. Paul : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables, puisque ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces ; mais ils se sont égarés dans leurs pensées … » (Rom 1, 20 – 21).

Les partisans de l’évidentialisme se fondent sur ce passage clef des Ecritures pour étayer leur théologie dans ce domaine.

2. S’agissant de l’intuition universelle d’une vie après la mort terrestre, présente dans toutes les religions du monde

La Bible affirme que Dieu a mis dans le cœur de tous les êtres humains « la pensée de l’éternité » (Eccl. 3, 11). 

Les athées véritables et définitifs sont rares !

3. Quant à la capacité innée de distinguer entre le bien et le mal

Paul : « Quand les païens, qui n’ont point la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n’ont point la loi, une loi pour eux-mêmes ; ils montrent que l’oeuvre de la loi est écrite dans leurs coeurs, leur conscience en rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour. » (Rom 2, 14-15).

Aujourd’hui, des millions de personnes tentent de refouler cette grande réalité morale en adoptant la posture philosophique du relativisme.

4. La Bible dit que tous les êtres humains honnêtes savent que la vérité existe.

Alors Achab fait venir Michée. Il lui dit : « Michée, irons-nous attaquer Ramoth en Galaad, ou devons-nous y renoncer ? » Michée, maniant l’ironie lui répondit : « Monte ! Tu auras du succès, et l’Éternel la livrera entre les mains du roi. Et le roi lui dit : Combien de fois me faudra-t-il te faire jurer de ne me dire que la vérité au nom de l’Éternel ? » (I Rois 22, 8-9). 

Cette histoire est révélatrice de la foi en la vérité qui réside même chez les personnes les moins recommandables dont Achab représentait comme la quintessence.

Le Nouveau Testament nous montre que les êtres humains établissent intuitivement et inconsciemment un lien entre Dieu et la vérité ultime et absolue. 

Dialogue entre Paul et des Athéniens cultivés : « En parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription : A un dieu inconnu ! Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce. » (Actes 17, 23).

Sans oser se l’avouer, des millions de personnes non croyantes au sens où nous l’entendons ont l’intuition qu’il existe un seul Dieu dépositaire et source de la vérité ultime et des vérités qui en découlent.

C. L’importance de la vérité

Pour Dieu lui-même, la Vérité est quelque chose de très important.

Site « Lire et découvrir la Bible, la Parole de Dieu » : inspirés par le Saint-Esprit, les auteurs des 66 livres de la Bible ont utilisé 232 fois le mot vérité, 57 fois l’adjectif vrai et 19 fois l’adjectif véritable.

Le Dictionnaire biblique des Editions Emmaüs : le mot « vérité » sous ses différentes significations dérive du grec aléth et apparaît 185 fois dans le Nouveau Testament.

D. Une définition acceptable de la vérité pour les chrétiens

Le mot vérité dérive du latin veritas, lui-même issu de verus qui veut dire vrai. 

Dictionnaire Larousse  : « Caractère de ce qui est vrai ; adéquation entre la réalité et l’être humain qui la pense ». Ce dictionnaire prolonge sa réflexion en disant que la vérité est une affirmation qui dit ce qui est comme cela est.

Les chrétiens peuvent accepter cette définition qui n’entre pas en contradiction avec les révélations de la Bible.

 E. La partie émergée et la partie immergée de la réalité

Au Moyen Âge le mot « vérité » a le même sens que le mot « réalité ». En ce sens, dire la vérité, c’est rendre compte de la réalité.

Le problème est que l’entier de la réalité n’est pas directement accessible par la raison humaine.

Une partie importante de la réalité que l’on peut appeler la partie émergée de la réalité est directement connaissable au travers des démarches de la science déployées en recourant à la raison.

Dieu a voulu que l’humanité découvre les lois de la nature par le biais du travail scientifique en assignant aux légitimes efforts des hommes et des femmes dans ce domaines la multiplication de progrès technologiques destinés à servir l’humanité. 

Dieu ne réprouve pas les progrès scientifiques mais parfois les applications qui en sont tirées.

Les découvertes scientifiques impliquent évidemment des démarches enracinées dans la vérité. Dieu approuve le recours à la vérité pour découvrir les lois de la nature.

Les lois de la nature ont été créées et établies par Dieu. L’être humain lui-même ne crée aucune loi. Il ne fait que découvrir ces lois. 

Pythagore a découvert ce qu’apprennent les élèves de toutes les écoles secondaires du monde : à savoir que dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse, qui est le côté opposé à l’angle droit, est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. En langage algébrique, cela donne a2 = b2 + c2. Pythagore est l’auteur de la formulation de cette loi incontestable. Mais l’auteur de l’essence de cette loi, de la réalité qui se trouve derrière elle est évidemment le Dieu Trinitaire, Créateur des cieux et de la terre. On peut et même on doit dire la même chose de toutes les lois scientifiques !

Si une partie de la réalité est connaissable en recourant à son observation et aux trésors de la raison humaine, l’autre grande partie de la réalité échappe à une connaissance au travers de la pure raison.

Aujourd’hui plus qu’hier, l’humanité sait qu’il existe des pans entiers de la réalité que nous ne connaissons pas encore ou qu’il est impossible de connaître par la mise en œuvre de l’intelligence humaine.

Pour nous chrétiens, cette partie de la réalité qui ne sera jamais connaissable par le recours à la pure raison humaine est accessible par la foi en Dieu et en la Bible. 

La Bible nous révèle des éléments du réel connaissables par l’expérience et la raison humaines tels que des faits historiques ou des préceptes de sagesse tels qu’on les rencontre dans le livre des Proverbes par exemple. 

Mais surtout, les Écritures Saintes nous révèlent des réalités spirituelles fondamentales auxquelles nous ne pouvons accéder que par la foi, en croyant que la description qui en est donnée constitue la vérité. Ainsi, le salut offert par Dieu à toutes celles et à tous ceux qui croient en Jésus-Christ ne peut être connu que par la foi dans le texte biblique. 

Ainsi, les réalités non connaissables par le recours à la raison humaine sont accessibles par la seule foi dans le Logos qui est à la fois la Parole de Dieu et la Personne de Jésus-Christ. 

Mais cette fois n’est pas un saut irrationnel dans le vide comme l’affirmait de manière erronée le philosophe danois Sören Kirkegaard. 

La foi à laquelle le Dieu de Jésus-Christ nous invite n’injurie aucunement la raison humaine. Elle la dépasse sans la contraindre. La foi est l’amie de la raison, pas son ennemie. La foi prolonge la raison, elle ne la dément pas. 

La foi ne résulte pas d’une raison poussée à l’extrême, d’une intelligence portée au sommet de ses possibilités. 

Mais la foi à laquelle Dieu nous invite repose sur d’immenses faisceaux de plausibilités qui accréditent totalement la vérité des enseignements qu’elle révèle. 

Rappelons que l’Ancien Testament indiquait le lieu de la naissance, les circonstances de la mort et la résurrection de Jésus-Christ des siècles avant la survenance de ces événements centraux de l’histoire de l’humanité. 

Par le réel connaissable au travers de la raison humaine, par l’histoire, par les prophéties et par l’extraordinaire cohérence de la révélation de ce qui n’est accessible que par la foi, Dieu nous dit à toutes et à tous :

« Offrez vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable. » (Rom 12,1). 

Pas un culte irrationnel, hasardeux et incertain !

Paul fonde la foi sur une vérité incontestable et sur un réalisme absolu 

« Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts. » (I Cor 15, 17-20). 

Portant son réalisme à son comble, Paul s’exclame : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. » (I Cor 15, 32). 

Pour Paul – qui s’exprime en étant inspiré par le Saint-Esprit – place ainsi l’être humain devant un choix fondamental entre l’acceptation de la vérité par la foi ou la pratique d’une vie hédoniste qui consiste à maximiser ses plaisirs et à minimiser ses sacrifices et ses souffrances.

Pour Paul et pour les chrétiens, le christianisme fondé sur la vérité représente le sommet du réalisme et non pas un idéalisme sentimental sans certitudes.

 

Jean-Pierre Graber