Pour aller plus loin

Lecture : Jean 20:19-28.

Prédication 04.05.14

Après sa résurrection, Jésus apparaît à ses disciples rassemblés dans une maison dont les portes sont fermées. A une semaine d’intervalle, Jésus leur apparaît dans les mêmes conditions et leur dit ces mêmes mots :

« Que la paix soit avec vous ». Jean 20-19 et 26.

Ils avaient besoin d’entendre ces mots face à cette période nouvelle qui s’ouvrait devant eux. 3 années viennent de se passer, des années exceptionnelles. Ils s’étaient habitués à la présence physique de Jésus. Désormais ce ne sera plus pareil. Ils ne peuvent plus être à ses côtés.

Ils doivent faire le deuil d’une expérience, d’un certain cheminement, de certaines habitudes où leurs sens étaient sollicités : la vue, l’ouïe, le toucher… Jésus présent physiquement, homme parmi les hommes, c’est fini.

Et nous pouvons comprendre comme ils pouvaient être déstabilisés. Ce que nous voyons avec nos yeux, ce que nous entendons de nos oreilles, ce que nous pouvons toucher de nos mains, fait tellement partie de notre vie, cela compte tellement pour nous, cela a tellement d’influence sur nos pensées, nos sentiments mêmes… que nous avons peine à imaginer ce que serait la vie sans la vue, l’audition, le toucher…

Helen Keller devenue aveugle, sourde et muette alors qu’elle n’avait que 19 mois, suite à une congestion cérébrale a néanmoins appris plusieurs langues, le braille, fait des études universitaires, écrit des livres, a écrit un jour :

« Qu’on me permette, à moi qui suis aveugle, de donner un conseil à ceux qui voient : profitez de vos yeux comme si, demain, vous deviez les perdre ; de vos oreilles, comme si la surdité vous guettait ; touchez chaque objet comme si, demain, vos perceptions tactiles allaient vous être retirées ; respirez le parfum des fleurs, goûtez chaque bouchée comme si l’odorat et le goût devaient bientôt vous faire défaut. Sachez tirer le meilleur parti de vos sens. Jouissez de toutes les miettes de plaisir et de beauté que la nature met à votre disposition ».

La vue de l’esprit, le point de vue, la manière de voir dépasse la capacité physique de l’œil. Le silence, le recueillement et l’écoute de la voix intérieure, celle de la conscience, la voix de l’Esprit de Dieu en nous va bien plus loin que ce que nos oreilles peuvent entendre. La réalité de l’espérance de ce qui n’est pas encore et qui est promis par le Seigneur… c’est tout un monde, qui peut-être considéré comme un monde nouveau qui se découvre à notre foi.

Les premiers apôtres ont vu Jésus, ils ont entendu le timbre de sa voix, les accents de ses paroles, de ses discours, ils ont eu un contact physique, visuel, auditif avec lui. L’apôtre Jean en parle dans sa première lettre :

« Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché concernant la parole de la vie, nous vous l’annonçons. La vie, en effet, s’est manifestée ; nous l’avons vue, nous en sommes témoins et nous vous l’annonçons… afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or, c’est avec le Père et avec son fils Jésus-Christ que nous sommes en communion… » 1 Jean 1- 1 à 4.

L’apôtre Pierre aussi dans sa deuxième lettre :

« Ce n’est pas en suivant des fables habilement conçues que nous vous avons fait connaître la puissante venue de notre Seigneur Jésus-Christ, mais c’est après avoir vu sa majesté de nos propres yeux. Oui, il a reçu de Dieu le Père honneur et gloire quand la gloire magnifique lui a fait entendre une voix qui disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé, qui a toute mon approbation. Cette voix, nous l’avons-nous-même entendue venir du ciel lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne… » 2 Pierre 1- 16 à 18.

Pierre a conscience de l’importance de cette période de sa vie, mais il a aussi fait l’apprentissage d’une connaissance qui ne se limite pas à ce que les yeux peuvent voir. lorsqu’il écrit dans sa première lettre aux croyants qui n’ont pas vu de leurs yeux ni entendu de leurs oreilles,  :

« Vous l’aimez sans l’avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore… »

1 Pierre 1- 8.

Les portes de la maison… étaient fermées.

En attendant que Pierre et les autres entrent dans cette dimension nouvelle de la foi et qu’ils commencent cette nouvelle étape, ils sont encore sous le choc et ils se cachent en s’enfermant dans une maison. Les portes étaient fermées… Nous avons l’habitude de fermer une porte, et même nous comprenons que si les maisons ont une porte, c’est pour que nous puissions en fermer l’accès. C’est un geste habituel, normal pour tous. Le mot grec du manuscrit nous dit un peu plus que le fait de fermer une porte, il contient l’idée de verrouiller, fermer avec une barre, un verrou. C’est le même mot que ce qui est dit du ciel qui fut fermé pendant 3 années et 6 mois du temps d’Elie… Luc 4-25.

Qui pouvait ouvrir le ciel ? Qui pouvait faire que la pluie tombe de nouveau ? C’était impossible. Le ciel était verrouillé, fermé.

Dans une certaine mesure, les portes de la maison où étaient réunis les disciples de Jésus  étaient verrouillées et pour y entrer il aurait fallu les forcer, parce que ces hommes n’auraient pas volontiers ouverts. Ils étaient dans la crainte.

Face à l’inconnu, face à ce qui est nouveau, notre réflexe est de chercher dans notre passé des points de repère, de regretter que les choses ne soient plus ce qu’elles étaient, et nous pouvons en être troublés. Les portes fermées semble être un signe de tout cela.  Le repli sur soi, la crainte des autres, vivre dans le souvenir et les acquis, Jésus sait comment nous fonctionnons et c’est pourquoi il fait à ses disciples cette annonce de la paix : « Que la paix soit avec vous ».

La paix est la réponse que Dieu donne aux portes verrouillées. La paix est un sentiment bienfaisant, apaisant, qui permet de voir plus tranquillement ce qui vient, ce qui n’est pas encore, même si je ne sais pas comment cela va se passer, même si j’ai l’impression de ne plus avoir mes marques, mes points de repère, si je ne peux plus vivre comme d’habitude. Il y a une paix promise et donnée par le Seigneur Jésus. Cette paix qui est du ciel.

C’est un don de Dieu. Nous pouvons citer ces mots de conclusion que Paul écrivit dans sa deuxième lettre adressée aux croyants de Thessalonique :

« Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix en tout temps et de toute manière ! » 2 Thessaloniciens 3-16.

C’est un souhait que nous pouvons avoir pour ceux qui nous entourent, une prière que nous pouvons adresser à Dieu et que nous pouvons prononcer autour de nous, ce matin aussi.

Qui ne s’est jamais retranché comme derrière des fortifications ? On se protège, on se cache, on se replie sur soi, on ne se confie pas, et tout cela avec raison… Peur d’être trahi, peur d’être rejeté, de ne pas être compris, peur d’être abandonné, peur d’être jugé, peur d’être connu avec nos failles, peur de perdre notre liberté ?

Alors nous construisons nos défenses… Cela ne se fait pas toujours de manière très consciente, très réfléchie… mais les coups reçus, les trahisons vécues, les déceptions, rendent ensuite plus hésitants… Et les relations sont plus limitées, moins franches, quand elles ne deviennent pas quasiment inexistantes ou de convenance.

Aux disciples qui s’étaient enfermés dans cette maison par peur des autres juifs, des chefs des juifs, Jésus répond en leur annonçant la paix. Ses disciples devaient être des envoyés, des ambassadeurs, et ils étaient immobilisés, réduits au silence.

« Tout comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».

Ne nous laissons pas arrêter par ce que nous voyons, ce que nous entendons… et qui nous empêche de voir et d’entendre ce que nous avons à voir et à entendre. Ce qui est devant nous lorsque nous sommes envoyés. Qu’entendons-nous des refus qui nous sont opposés ? Qu’entendons-nous des reproches, des mots blessants, des silences rencontrés ? Que voyons-nous des situations qui nous paraissent défavorables, difficiles, contraires, douloureuses ?

Entendons-nous les paroles de Jésus qui nous rejoignent dans notre besoin :

« Que la paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».

Ces mots, nous pouvons les entendre même derrière nos portes fermées. Ces mots sont libérateurs. Ils font naître la confiance, ils rassurent. Ils nous donnent le sens de notre vie. Ces mots nous permettent d’ouvrir les portes et d’aller plus loin. Plus loin dans la relation, dans le partage. Comme l’a écrit l’apôtre Jean en pensant à ceux et celles qui ont verrouillé leur cœur :

« Si quelqu’un qui possède les biens du monde voit son frère dans le besoin et lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu peut-il demeurer en lui ? »1 Jean 3-17.

Pour terminer, je ferai le lien avec l’exposition « Huguenots des temps modernes » qui va commencer samedi. Pourquoi cette exposition ? Ce n’est pas pour passer le temps, pour faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, pour avoir une activité différente. Mais pour exprimer de cette manière l’attention que nous portons à ceux et celles qui aujourd’hui, loin de nous principalement, dans des pays touchés par la pauvreté matérielle, dirigés par des personnes qui parfois rejettent la foi en Jésus-Christ, ou qui laissent ou ne peuvent lutter contre des fanatiques religieux qui malmènent nos frères et sœurs dans la foi en Jésus-Christ.  Cette exposition est une lumière jetée sur la persécution qui traverse les siècles, d’où le titre qui fait référence à une sombre période de l’histoire de France et qui dit la triste réalité présente de la violence dirigée contre des minorités.

En organisant cette exposition, nous faisons un geste modeste, mais bien réel. Nous ouvrons notre cœur à notre frère qui est dans le besoin afin que l’amour de Dieu demeure en nous.

 

François Quoniam, pasteur de l’Eglise évangélique libre, La Chaux-de-Fonds