Chers frères et sœurs :
« C’est la providence qui vous envoie ! » Je crois que ce mot « providence » n’est plus très usité de nos jours. Mais, nous connaissons tout de même cette expression : elle correspond à une visite qui arrive au bon moment, répondant à un besoin dans lequel nous nous trouvions ; une visite qui apporte un soulagement, qui éloigne de nous l’inquiétude.
Qu’entendons-nous par ce mot ? Parler de providence, c’est faire usage d’un mot dont l’étymologie nous apprend que dès le 1er siècle de notre ère, Sénèque la définissait comme « la sagesse divine prévoyant tout et pourvoyant à tout ». Autrement dit, ce mot est enraciné dans la croyance en Dieu.
Voici quelques considérations à ce sujet. Parler de providence, c’est avant tout considérer la Providence divine qui est au cœur de la foi chrétienne : une providence intelligente, intentionnelle, dirigée, volontaire, et de plus aimante. Ce qui ressemble au hasard quand nous l’appliquons à l’homme, s’éloigne à grands pas de cette comparaison quand il s’agit de la Providence divine. Parfois nous entendons parler de personnes providentielles, car ces personnes arrivent sur la scène de l’histoire, au cœur d’une situation d’urgence, et participent de façon indéniable à résoudre une crise, à éloigner de nous ce que nous redoutions. Pouvons-nous voir derrière ces personnes la Providence divine ?
Commentaire de F. Liechtenberger, sur ces paroles de Jésus dans l’évangile selon Matthieu chapitre 10 : 28 à 31 : « il n’en tombe pas un seul à terre (passereau) sans la permission de votre Père. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point… ». L’auteur écrivait : l’Evangile nous présente la doctrine de la Providence divine sous sa forme la plus simple et la plus saisissante. Rien dans ce monde ne se fait sans la volonté de notre Père céleste. Il a tout prévu, il a tout réglé ; aucun événement, si petit soit-il, ne se dérobe à cette loi générale. Aux yeux de Dieu, d’ailleurs, la mesure que nous appliquons aux choses n’existe pas. Les plus grandes choses, d’après notre évaluation, sont petites pour Celui qui est l’absolu et l’infini. Les plus petites ont de l’importance, parce que, comme les plus grandes, elles concourent à la réalisation de ses desseins. Qu’il nous est doux de nous savoir entre les mains de Celui qui prend soin de ses moindres créatures… nous accueillerons les résistances et les contrariétés d’un cœur tranquille. Nous ne craindrons point ni pour nous ni pour les nôtres : nous sommes entre les mains d’un Père qui nous aime… qui veut avec plus de sagesse, avec plus de persévérance, avec plus d’énergie notre bien que nous-mêmes. Et lorsque l’heure de la séparation suprême sonnera, alors même nous serons sans crainte : il n’en tombe pas un seul à terre sans la permission de notre Père ». J’aime aussi sa conclusion : « Comment Dieu peut-il à la fois s’occuper avec une égale sollicitude de chacune de ses créatures ? Ah ! Je ne le sais pas ; mon esprit ne peut pas se le représenter : mais Jésus l’affirme, et mon cœur le croit avec une confiance aveugle et filiale ».
Beaucoup de questions se pressent dans notre pensée concernant de nombreux événements ou faits qui se déroulent en ce moment même, ici ou là. « Pourquoi », est à mon avis, la question la plus présente et la plus pressante. Oui, pourquoi, c’est-à-dire : quelle est la cause, l’origine, la raison, la finalité, de tout ce qui se vit, mais surtout face à ce qui est douloureux, incompréhensible, face aux actes de cruauté, de barbarie, des faits inhumains, inacceptables, et face à ce que nous estimons être un échec.
Adolphe Monod, dans une prédication intitulée « le plan de Dieu », et basée sur ce passage du prophète Jérémie chapitre 10 : 23 : « Je connais, Ô Eternel, que la voie de l’homme ne dépend pas de lui, et qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme qui marche de diriger ses pas » écrivait : « Créature intelligente et responsable, je sais me proposer un but et prendre des moyens pour y atteindre. C’est ainsi que je me fais un plan pour le développement de mes facultés, pour le choix de ma carrière, pour l’éducation de ma famille… Mais, pour être capable de vouloir et d’agir, je ne dispose cependant à mon gré ni des choses, ni des événements, ni de moi-même ; et si parfois mes plans réussissent, souvent aussi, le plus souvent, ils échouent. Cette faiblesse inhérente à mon action y entretient quelque chose de manqué, par où ma vie réelle contraste péniblement avec ma vie idéale… le plan supérieur de Dieu pour moi : plan de perfection qui vaut mieux que le mien, soit dans l’intérêt général, soit aussi dans mon intérêt personnel ; plan de puissance, qui s’accomplit infailliblement, quelles que puissent être les destinées et les vicissitudes du mien : plan de contrôle, qui domine souverainement le mien et qui au besoin, le corrige. Alors, ce qui s’appelait revers dans mon plan, prend le nom de succès dans celui de Dieu… Le plan de l’homme n’est que l’envers de la vie, celui de Dieu en est l’endroit… Constater, comme des faits coexistants, tout contradictoires qu’ils paraissent, l’action réelle de l’homme et la souveraineté absolue de Dieu, c’est tout ce que nous pouvons faire. » Monod rappelle alors ce passage du livre des Proverbes : « Le cœur de l’homme délibère de sa voie, mais l’Eternel conduit ses pas » Proverbes chapitre 16 : 9. Etonnante foi !
A propos de foi, je citerai Karl Barth : « La foi chrétienne est le don de la rencontre qui rend les hommes libres d’écouter la Parole de grâce, prononcée par Dieu en Jésus-Christ, de telle manière qu’ils s’en tiennent aux promesses et aux commandements de cette Parole, en dépit de tout, une fois pour toutes, et totalement ». « Je crois en Dieu, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit… A l’instant où je crois, je me sens totalement rempli et saisi par l’objet de ma foi ; ce qui m’intéresse, ce n’est plus moi avec ma foi, mais celui en qui je crois. Lorsque je pense à lui et que je regarde à lui, j’éprouve alors que tout va au mieux pour moi. Je crois en… signifie : je ne suis pas seul… Nous, êtres humains, dans notre splendeur et notre misère, nous ne sommes pas seuls. Dieu vient à notre rencontre, et il vient à nous comme notre Seigneur et notre Maître. Dans les bons et les mauvais jours, je ne suis pas seul. Dieu vient à ma rencontre. En toutes circonstances, je suis à lui. Voilà ce que veut dire : je crois en Dieu, le Père, le Fils, le Saint-Esprit ».
Nous ne sommes pas fatalistes, ni résignés face aux événements, face à tant de difficultés. Nous pouvons ressentir de la colère à cause de l’étendue et la profondeur de tant de souffrances, nous pouvons avoir un sentiment d’impuissance face à ce que nous vivons comme une dérive des sociétés humaines ressemblant à un bateau dont le gouvernail ne fonctionne pas ou dont le pilote est endormi. Mais, et il faut que nous disions ce « mais » pour dire que nous réagissons contre ce qui peut nous conduire au désespoir, au fatalisme, au découragement. Oui ! C’est ainsi… « Mais » nous croyons en Dieu ! C’est-à-dire que nous croyons que Dieu est au-dessus de tout et de tous, qu’il est Souverain sur les temps et les circonstances, qu’il n’a cessé de venir à nous comme nous le lisons dans l’épitre aux hébreux : « Après avoir autrefois, à de nombreuses reprises et de bien des manières parlé à nos ancêtres, par les prophètes, Dieu dans ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils. Il l’a établi héritier de toute chose et c’est par lui aussi qu’il a créé l’univers » Hébreux chapitre 1 : 1 et 2.
Cette doctrine de la Providence divine jaillit des textes bibliques. Elle est là sur notre chemin d’homme et de femme. Elle est là comme le jour qui se lève et qui vient éclairer tout ce qui nous entoure, d’un trait de lumière ; elle donne du sens à ce que nous vivons et nous aide à situer cette vie présente dans un mouvement ascendant qui nous mène dans ce qui est éternel, infini.
Aujourd’hui est encore un jour de grâce. Dieu qui a fixé des temps et des moments, a inclus aussi ce jour dans le cadre de ce qu’il a prévu pour notre bien. Alors, dans la joie de cette espérance, Mireille et moi vous souhaitons un beau dimanche ensoleillé par la pensée de la Providence.
François Quoniam, votre frère en Jésus-Christ et pasteur.